Article "point de vue" du 22 juin 09

**RONIQUE63** Lun 22 Juin 2009 - 23:08

POINT DE VUE.Lundi 22 Juin 2009

Johnny s'en va en paix

Article "point de vue" du 22 juin 09 Cogtmt10

Pour Johnny, choisir la liste de chansons de sa dernière tournée a été une affaire de coeur. On ne passe pas cinquante ans d'une carrière tiraillée entre le rock, le blues, le funk, la Suisse la chanson française sans peser un tel choix. Le verdict de Lescure est clair, on le savait déjà : rock'n'roll. La musique qu'il aime. Blues, funk et rock'n'roll : l'America. Un salut stellaire à l'étoile Berger et un Bécaud final à ce public qu'il « n'oubliera pas » (« Et maintenant, que vais je faire à Gstaad ? ») n'ont pas pu faire détourner ce « Tour 66 » du côté de nos départementales. C'est après Elvis et les bouges noirs de Chicago qu'il en avait, Johnny, samedi soir comme s'il avait décidé d'oublier, avec nous, ses incursions dans la variété la plus toc.

« It's Alright mama » : les jambes écartées, le genou légèrement plié, la guitare sur le côté... Là, il y est ! Il interprète et incarne Elvis presqu'aussi bien qu'Elvis lui-même. C'est de la personnification. Un peu de magie, beaucoup de cirque, un mix d'Oudini, de Roger Lanzac et de Frank Sinatra. Le show est démesuré, hallucinant pour ce qui est de la qualité sonore et des artifices, en contradiction avec la modestie réelle des interprétations. Johnny n'a pas fait du Johnny, il a fait du rock jusqu'au bout de sa voix.

Et pourtant, les fans, dans leur amour aveugle (et parfois sourd) auraient accepté que Johnny, au fond, rende hommage à Johnny, dans une ultime et flatteuse parade d'ego. Mais pas du tout. C'est au blues que Johhny a payé son tribut samedi soir avec son groupe si brillant (seize sur scène un hammond impeccable, des cuivres, coupants, un harmoniciste, des guitares tranchantes, des choeurs mama).

Et l'épate'n'roll de ce tout-techno-vous-allez-voir-ce-que-vous-allez-voir n'a pas tout à fait empêché cela. La fille de l'été dernier, les chaussures en daim bleu, la noirceur du noir, Gabrielle, les portes du pénitencier, refermées sur la solitude et ouverte à tous les malheurs se sont retrouvés finalement dans cette pixellisation générale. Johnny a toujours des larmes. Et si nos oreilles avaient eu des paupières elles seraient restées ouvertes samedi soir.

Auteur : Joël Raffier