Johnny ou l’histoire du rock en version française

En concert samedi à Genève, l’ex «Idole des jeunes» doit tout à la culture américaine.

(tribune de geneve)



Evénement musical de ce week-end, la venue de Johnny Hallyday à Genève focalise toutes les attentions. Concerts géants (80 000 personnes à Paris en mai dernier, plus de 35 000 attendues au stade de la Praille ce samedi), tournées marathons (le Tour 66 compte quinze étapes pour l’été seulement) et prestation fleuve, avec plus de deux heures trente de musique chaque soir.

Un demi-siècle après ses débuts, Johnny Hallyday entend «s’arrêter là». Après cinquante ans de scène! A peine dix ans de moins que l’âge du rock…

Dans les pas d’Elvis

Retour en 1960, plus exactement le 14 mai, lorsqu’un jeune homme de 16 ans du nom de Jean-Philippe Smet est présenté pour son premier disque comme un Nord-Américain de l’Oklahoma. Fausses origines. Nom de scène à l’avenant. A l’instar d’Eddy Mitchell ou de Ronnie Bird, Johnny Hallyday – une erreur de typographie a transformé le «i» en «y» – s’impose rapidement comme l’incarnation absolue du rock’n’roll français.

Les Etats-Unis avaient Elvis Presley, le «roi» du rock, promoteur à l’échelle mondiale d’un style qui restait encore peu fréquentable. A l’échelle hexagonale, Johnny Hallyday fera lui aussi office de rassembleur.

Le King avait ses frasques, ses légendes, ses tenues flamboyantes, ses poses érotisantes et son timbre grave. Hallyday aura également sa mythologie, transcrite auprès du grand public via un charisme époustouflant: mouvements du pelvis, poses langoureuses, cris évoquant le coït et voix de basse: du King, Hallyday n’a rien jeté. Plus encore, le Français a été chercher d’autres modèles.

En 1960, l’époque est au yé-yé, avatar francophone de la pop anglaise. Hallyday, quant à lui, se démarque avec ses reprises de twist états-unien.

Tous standards des pionniers du rock’n’roll – qu’il admire – adaptés dans une version française relativement édulcorée. Ainsi des plus fameux «hits» de Johnny, du Pénitencier, version romantique du The House of The Rising Sun des Animals, à Noir c’est noir, repiquage R & B du Black is Black de Los Bravos, groupe de rock… espagnol!

Pour nourrir le répertoire du chanteur parisien, les pionniers du rock, de Chuck Berry à Bo Diddley, Afro-Américains pour la plupart, n’ont pas voix au chapitre. Ou si peu. Préférence a été donnée à Ricky Nelson grand blanchisseur du rock devant l’Eternel et gueule d’ange à Hollywood (le film Rio Bravo). Reprenant à (très) bon compte le Teenage Idol de Nelson, Johnny Hallyday devient «L’idole des jeunes». Plus qu’une simple reprise, la version Hallyday indique une filiation choisie. Rebelle, un peu. Propret, beaucoup. Grand public, toujours.

1962: tandis que le Britannique Vince Taylor, rocker pur et dur en blouson noir et véritable initiateur du genre en France, perd définitivement son attrait auprès du public, Johnny Hallyday pose en couverture du magazine Salut les copains. La suite, on la connaît.

❚  Johnny Hallyday, au Stade de Genève, samedi à 19 h.

Johnny chez les autres

Hallyday, sa vie, sa dégaine, ses accointances politiques, le culte dont il fait l’objet, tout cela et bien plus encore n’a pas manqué d’inspirer d’autres chanteurs. Souvent critiques. Elogieux parfois. Morceaux choisis.

❚  Antoine, «Les élucubrations» «Tout devrait changer tout le temps/Le monde serait bien plus amusant/On verrait des avions dans les couloirs du métro/Et Johnny Hallyday en cage à Médrano.» Le fameux couplet publié en 1966 recevra illico sa réponse de l’intéressé. Ce sera «Cheveux longs, idées courtes», véritable propagande réactionnaire servie par Johnny sur un rock lent. «Oh, Yeah!».

❚  Michel Sardou, «Le phénix» Fan de Johnny, Michel Sardou fait en 1973 ses hommages avec de jolis vers: «Comme cet oiseau maudit/Par ceux qui disparaissent/Ta tête est mise à prix/Chaque année dans la presse/Et ta vie et ton sort/Défient tous ceux qui crient ta mort».

❚  Sarclo, «Tous les chanteurs sont des crétins» Johnny, période gros biscoteaux, ne pouvait laisser insensible le plus incisifs des chanteurs romands. En 1987, Sarclo refait son portrait au paysage audiovisuel français. Johnny figure en bonne place. «Johnny, le rocker du futur/Nous propose une nouvelle coiffure/Après vingt-cinq ans d’impostures/Et ses ruptures font du potin.»